L’ambiance festive se faisait sentir dès lors que l’on mettait un pied en ces lieux. Ysaleen était venue avec le reste des siens, accompagnant son frère comme il le lui avait demandé, prétextant qu’il aurait certainement besoin d’elle pour assurer sa protection. Alors, elle avait levé les yeux au ciel et avait accepté de se rendre au Tournoi du Roi, nourrissant secrètement l’envie de participer aux joutes. Aerdenn n’avait pas à être au courant du moindre de ses faits et gestes, non ? Ce fut donc en famille que les Greywaters saluèrent la famille royale. Presque déçue de ne pas voir au sein de celle-ci sa nièce Iminyë, la bâtarde de Thern ne mit pas longtemps avant de la voir en pleine discussion avec d’autres gens, un peu à l’écart. Elle eut un léger sourire, sachant très bien qu’elle la saluerait plus tard.

Pour pareille occasion, il allait de soi que la jeune femme ne pouvait guère faire mauvaise impression, se devant alors de montrer son titre de dame de Thern malgré son nom trahissant la bâtardise de sa naissance. Aleen portait une robe d’un bleu azur et brodée de dentelle noire, rappelant les eaux sombres et froides qui faisaient son nom. Ses longs cheveux blonds avaient été nattés avec le plus grand soin et décoré d’un lacet de cuir. Elle portait même quelques bijoux qui lui avaient été offerts, quelques années plus tôt, par Aerdenn. Il fallait l’admettre, avec une silhouette athlétique comme la sienne, elle était une belle femme et ne se cachait pas de cela, se plaisant à séduire les uns et les autres.

La famille s’éloigna de celle qui était leur hôte et, passant près du banquet, elle s’empara d’un petit fruit, le fourrant dans sa bouche. Au loin, elle ne tarda pas à apercevoir un autre visage connu. Waith Zendel les avait accompagnés, elle qui avait assez insisté pour le voir jouter durant ce tournoi et qui avait fini par le faire céder, non pas sans quelques caresses. Elle s’apprêtait à aller le saluer quand une autre jeune femme la devança. Haussant les sourcils, elle l’observa s’accrocher à son bras et sourire en lui parlant. Une inconnue. De toutes les visites officielles que la jeune femme avait effectuées aux côtés de son frère, elle n’avait jamais aperçu ce visage. Elle détourna alors le regard, son humeur étant soudainement plus maussade et ce fut dans un soupir qu’elle adressa quelques mots à son frère. « Je me demande ce que tous trouvent à ces festivités baignées dans l’opulence… Rassure-moi, jamais tu n’organisera pareil faste ou si tu le fais, jure-moi que je ne serais pas forcée d’y venir… »

Elynorea était déçue. Déçue et quelque peu récalcitrante, ce qui, sur son visage, s'illustrait dans un masque absolument neutre. Ni joie ni peine ne venaient marquer ses traits. Mais pour qui la connaissait, cela signifiait beaucoup, sans parler du fait que son regard, lui, avait ces quelques lueurs qui disaient tout sans rien révéler à qui ne savait y déchiffrer quoi que ce soit. On l'avait obligée à venir jusqu'ici. Elle, elle ne voulait pas. Elle n'aimait pas le Sud, et puis ... Et puis ce tournoi était organisé par nuls autres que les Silvershell. La famille à laquelle appartenait désormais Iminyë depuis son mariage avec l'héritier du trône des Terres d'Istard. Mais Sir Lyënel avait refusé de la laisser à Thern, et d'un côté, même si elle refusait de l'avouer, Elynorea savait qu'il avait pris la bonne décision. Car elle refusait d'être loin de lui, et pire que tout, de laisser celle qui était sa fiancée rester trop longtemps seul avec lui. Qui sait ce que la rousse viendrait à dire et à exiger de lui, la concernant elle ?

Elle se savait paradoxale, et alors ? Elle refusait de répondre aux missives que pouvait lui envoyer Iminyë, elle s'acharnait à ne pas évoquer son prénom ou parler d'elle, et pourtant, le simple fait de ne pas la voir parmi les rangs de la famille royale, lorsque les Greywaters rendaient leur hommage, l'emplit d'une déception immense. Et elle détestait cela, tout autant qu'elle se détestait d'avoir voulue croiser son regard, ou poser les yeux sur son visage, malgré tout. Et pendant un instant, pourtant, ses yeux cherchèrent, parmi la foule, la silhouette de celle qui avait fait office de mère pour elle. Jusqu'à ce qu'elle se recadre d'elle-même et qu'elle s'ordonne de cesser cette enfantillage. Elle n'avait plus 7 ans, et n'avait absolument plus besoin d'Iminyë, voilà ! Ou pas ... Alors, elle avançait comme on avance sans y penser, par geste réflexe et simple effet de mimétisme, mettant ses pas dans ceux des Greywaters. Ce qui la tira de ses pensées mutiques, ce furent les paroles d'Ysaleen, dont elle ne saisit pas le propos et entendit seulement l'écho diffus. Et puis, il y eut ce mouvement brusque, dont elle ne saisit pas tout, mais qui lui fit cependant rapidement rétracter son bras après qu'elle se soit saisie d'une coupe qui sentait fortement le miel. Un instant, elle reste en arrêt, quelques gouttes lui ayant éclaboussés le visage, mais déjà le malotru a filé. Loin de s'offusquer, de crier ou de se dire désolée pour Ysaleen, elle lui tend ce mouchoir qu'elle garde toujours sur elle. Non sans, finalement, laisser fuser sa mauvaise humeur.


❧ La légendaire hospitalité du Sud ... ❧

Spoiler:

Arrangeant une dernière fois les pans de sa robe, Eiwell avait finalement accepté, bon gré mal gré de se présenter ce soir-ci, pour la première fois de manière officielle, au bras de son nouveau fiancé, Mehran Whiteshore. C'est d'un pas digne qu'elle pénétra donc à ses côtés dans la salle, s'approchant du suzerain pour lui présenter, quand leur tour fut venu, ses hommages. S'éloignant de la famille royale, elle releva sa main du bras de celui qui serait un jour prochain son époux, le toisant avant de se détourner d'un pas bref.
Elle aurait aimé pouvoir quitter les lieux, fuir toute cette agitation qui lui pesait mais elle ne le pouvait pas, c'est alors qu'elle l'aperçut dans le coin de son champ de vision, l'une de ces si rares personnes à avoir sa confiance et dont elle saurait apprécier la compagnie lors de cette soirée.

S'approchant de Daryün, elle posa doucement ses doigts sur son poignet, cherchant à croiser son regard. « Pardonnez-moi, mais pourrais-je être votre cavalière ce soir ? A moins que gente dame n'ait attiré votre oeil ? » Elle ne voulait pas s'imposer à lui toutefois, elle savait combien elle avait besoin d'une présence qui ne soit pas méprisante et méprisable si elle voulait pouvoir faire autre chose que ruminer au cour de cette soirée surtout que son fiancé semblait déjà occupé ailleurs, se désintéressant d'elle, le second choix, comme à son habitude.
Elle sourit au jeune homme qu'elle côtoyait depuis de longues années, un sourire rendu complice à cette insinuation, après tout, si il avait quelques conquêtes en tête, elle serait ravie de le présenter ou de le laisser, lui au moins, profiter de cette soirée.