Assise aux côtés de Némérys Silvershell, elle lui serre la main, anxieuse, pas à l’aise dans ce monde qu’elle a quitté depuis de longues années. Elle se sent épiée, sent des milliers de regards peser sur elle alors qu’en vérité peu nombreux sont ceux à s’intéresser à elle. Les joutes sont sur le point de commencer et la populace essaie de repérer les chevaliers qui se préparent au combat. Elle-même aimerait pouvoir les voir juste un instant. Assez de temps pour capter le regard de son chevalier à elle (Daryün). Il n’y a rien à voir pour l’instant. Ses oreilles sont assaillies de toute part par le bruit de la foule mélangé au son des sabots martelant le sol. Une cacophonie entêtante à vous faire perdre la tête. A ses côtés, Némérys exerce une pression sur sa main, lui adresse un sourire rassurant. Lyara n’aurait jamais eu le courage d’affronter cette situation sans l’aide précieuse de son amie. Phare dans ses ténèbres, elle s’accroche à elle comme une enfant à sa mère. Emerion Silvershell entame un bref discours, simple et efficace. Elle rajuste sur ses épaules le petit manteau qu’on lui a gracieusement prêté et jette un œil au couple princier, Rhaelon et Iminyë Silvershell. Elle ne peut s’empêcher de perdre son sourire, d’adresser un regard plus haineux qu’elle ne le voudrait. C’est plus fort qu’elle, ses sentiments de jalousie l’emportent sur tout le reste. A en juger par le regard que la princesse lui retourne, les sentiments sont partagés.

Le jeune cheval d’un magnifique gris souris renâcla, frappant de son pied sur le sol provoquant un claquement sur le pavé. D’un claquement de langue, sa cavalière tenta de le rappeler à l’ordre, exerçant une pression un peu plus importante sur ses rênes. Mais l’excitation gagnait les bêtes et il devenait de plus en plus compliqué pour les cavaliers de tenir leur monture. La ménaïade bâtarde de Thern tenait un bouclier rond sur lequel une truite noire reposait sur un champ argenté. Une erreur ? Pas la moindre, car la Coldwaters avait elle-même choisi ces armoiries, rendant hommage à sa famille de naissance tout en ne lui portant guère préjudice. Elle portait une armure légère qui lui permettait toujours de faire quelques mouvements et qui annonçait sa participation aux joutes à venir. Un heaume sur sa tête, elle dissimulait ses traits de dame derrière ce masque de fer, prête à en découdre comme n’importe quel homme. Ce n’était pas qu’elle souhaitait passer inaperçue, mais bien qu’elle ne souhaitât pas trop attirer l’attention, à moins que ce ne soit en combattant. Ceux qui connaissaient ses armoiries sauraient la reconnaître. Elle pensa notamment aux membres de la famille Greywaters qui l’avaient déjà vue agir de la sorte de nombreuses fois.

Une corne retentit et la jeune femme lança sa monture au galop afin de la lancer sur la piste. Le hongre put enfin faire parler sa nervosité et ce fut avec peine qu’Ysaleen arrêta sa monture devant la tribune royale, présentant son bouclier devant elle afin de montrer ses armoiries aux yeux de tous. Suivant les autres chevaliers, elle eut un mouvement de tête respectueux envers le roi Emerion qui prit la parole, lançant de manière officielle les joutes et ce tournoi organisé en son honneur. La blonde eut un sourire sous son casque avant de tourner la tête vers sa droite où se trouvait Lyënel. Relevant la visière de son heaume, elle lui adressa un clin d’œil. « Soit gentil : Ne me fais pas honte en combattant. Et ne retiens pas tes coups si tu viens à te retrouver face à moi. Ça m’embêterait de te vaincre devant ton père… » Elle souriait en coin, d’un air provocateur. Oh oui, la journée s’annonçait magnifique.

Peu friande de ces événements, elle suit à contre cœur Neyrin jusqu’au lieu des joutes, lui serre la main afin de ne pas se perdre dans la foule. Elles prennent place en bas des tribunes, loin de l’estrade royale, en compagnie des Gloweye qui se réjouissent d’être ici. Elle promène son regard sur la foule puis sur la piste où les jouteurs se présentent tandis que le Roi Emerion Silvershell offre un discours succinct. Elle l’écoute d’un air distrait, le regard focalisé sur un seul chevalier aux armoiries à l’effigie d’une écrevisse. Son visage libéré du heaume qu’il tient à la main, elle admire son visage, ses traits et sourit malgré elle. Invisible, visage perdu parmi tant d’autres, le prince Ravenstone  ne la remarque pas, ne la cherche pas. Un pincement au cœur, une vive douleur dans la poitrine. Tous les jouteurs saluent la foule enthousiaste. Melian se joint aux applaudissements, suit du regard son chevalier qui quitte la piste. Bientôt les joutes commenceront. Elle sait d’ores et déjà qu’elle ne sera pas celle vers qui il s’avancera. Elle ne lui offrira pas sa bénédiction, ni celle des Dieux. Elle regardera une autre jouir de ce petit plaisir. Invisible, impuissante, elle regarde sa vie se jouer, les Dieux se moquer. Malgré tout, elle leur adresse une prière silencieuse, demandant la victoire de son prince.

INTRIGUE O3

les joutes

Fière, couverte par son armure et protégée par les Dieux – ainsi l’espérait-elle – Ysaleen prit rapidement connaissance du chevalier qui lui faisait face. L’héritier de la famille Stormwind était en train d’obtenir les faveurs d’une jolie demoiselle qui lui souhaitait bonne chance. Depuis sa visière, elle plissa les yeux, dévisageant le bonhomme, essayant de trouver quel serait son point faible à exploiter. Elle était une femme et la lance deviendrait bien vite lourde à porter tout comme le choc serait rude à encaisser, elle le savait. La lance n’avait jamais été une arme de choix pour elle, préférant son épée ou une hache mais les règles étaient claires et précises : la mort n’était pas la bienvenue en cette heure et elle ne serait pas sa servante. D’un œil inquiet, elle regarda ses deux neveux qui venaient d’être annoncés l’un contre l’autre. Elle pinça doucement les lèvres, espérant qu’ils se montreraient à la hauteur de l’enseignement qu’elle avait pu leur offrir… Et surtout qu’ils s’en sortiraient indemnes, sait-on jamais. Son regard dévia également vers un autre homme venant de Thern, ser Waith Zendel. Si elle n’était pas là à ses côtés, elle aurait certainement espéré pouvoir lui offrir ses faveurs, les instants qu’ils avaient pu vivre ensemble étant de souvenirs agréables à sa mémoires. Au lieu de quoi, elle était là et pourrait peut-être finir par lui montrer qu’elle n’était pas bonne uniquement sous des draps…

La joute à laquelle elle participait était la dernière de cette première manche. Elle eut donc le temps d’admirer les uns défaire les autres, ne pouvant s’empêcher de sourire quand Lyënel entra en piste face à son frère. Tout se passa au mieux et enfin, son tour vint. Soupirant un long moment, elle finit par lancer sa monture au galop afin de la placer en bout de la piste, contre la petite palissade de bois. Un écuyer vint lui offrir sa lance noire, comme la truite de son bouclier. En toute confiance avec sa monture, Aleen savait qu’elle pourrait lâcher les rênes et avait déjà fait un nœud à ceux-ci pour éviter que sn cheval ne se prenne les pieds dedans. Posant la lance contre sa cuisse, elle la soupesa rapidement. Il allait falloir vite en finir si elle voulait être sûre de jouter tranquillement par la suite. Le regard rivé sur son adversaire, elle l’observa prendre place. Elle n’allait pas avoir le choix que d’être efficace. Piaffant, elle prépara son cheval à l’assaut qu’ils devraient mener ensemble. Puis, quand la corne retentit, elle pressa ses mollets contre les flancs de sa monture et la lançant au galop. Quand elle fut bien calée sur l’allure du cheval, elle abaissa sa lance et releva son bouclier. Elle réfléchissait rapidement, observant la lance du jeune homme qui lui faisait face se pointer sur elle. Il allait la toucher si elle ne faisait rien et elle ne doutait pas qu’ilbriserait aisément sa lance. Alors, au dernier moment, d’un mouvement circulaire du bras, elle dévia la lance du Stormwind, prenant garde à ce que la sienne s’enfonce dans le bouclier de l’héritier. Le craquement du bois se fit entendre tandis que l’épaule de la jeune femme subissait un choc énorme dut à l’impact. Mais c’était gagné. Elle venait de remporter cette première passe dans une tranquilité déconcertante. Lâchant sa lance brisée, elle referma ses doigts sur les rênes et les tendit dans le but de stopper sa monture. De nouveau, le cheval souris piaffa, trépignant d'une impatience certaine et ce ne fut que pire lorsqu'elle lui représenta la piste. Un jeune homme lui rapporta une autre lance et, depuis sa visière, la jeune femme adressait des éclairs à son adversaire. Elle serait sans pitié et ne lui laisserait aucune chance. La corne retentit de nouveau et Ysaleen n'eut même pas à resserrer ses jambes autour des flancs de la bête qu'elle s'élançait déjà. Laissant les rênes reprendre leur place, elle aligna sa lance, prête à jouer de la même stratégie. Mais ce ne fut guère utile. Elle ne sut si les rayons du soleil étaient en cause mais la lance ennemie dévia légèrement, ne rencontrant que l'air alors que la sienne percuta de nouveau le bouclier ennemi dans un craquement sonore. C'était fait. Elle venait de remporter son premier duel sans grande peine. Lâchant sa lance, elle rattrapa les rênes de sa monture afin de calmer cette course folle. Les acclamations du public la fit grandement sourire et  son regard se tourna vers Aerdenn qui se trouvait dans les tribunes, d’un hochement de tête, elle lui fit entendre qu’elle allait bien avant de quitter la piste. Flattant l’encolure de sa monture, elle mit pied à terre, laissant un jeune homme prendre soin du hongre tandis qu’elle regagnait sa tente afin de pouvoir ôter son heaume sans que personne ne la voit.

Cela faisait des années qu’elle n’avait pas assisté à un tournoi. Elle se rappelle l’excitation, les frayeurs et les rires. Le bruit environnant menace de la faire craquer. La panique fait battre son cœur et elle sert plus fort, inconsciemment, la main de Némérys. « Tout va bien se passer. » Elle lui adresse un sourire et Lyara expire un grand coup. Son regard capte l’espace d’une seconde celui d’Halbyròn mais déjà il s’évanouit vers une autre. Et ce regard est destiné à la personne qu’elle méprise le plus au monde (Iminyë). Elle n’a pas le temps d’y réfléchir. Halbyròn fait des siennes, joue de malchance et tombe à la renverse. Son petit spectacle lui arrache un sourire avant qu’il ne disparaisse de son champ de vision. Elle écoute les paroles échangées autour d’elle, se sent observée sans trouver son espion. Lorcan est-il dans l’ombre, quelque part, l’épiant ? Elle l’espère. Il la sauvera peut-être.

Les joutes commencent enfin et sous les milliers de regards avides commence la danse enchanteresse des chevaliers. Elle se tient bien droite dans son siège, admirant les armoiries de chacun, les reconnaissant toutes, ou presque. Elle ne pense plus aux risques qu’elle prend, ni à ces pairs d’yeux qui la dévore. Il n’y a plus que le spectacle qui se joue sur la terre battue, les éclats de lance, les hennissements des chevaux impatients. Un sourire presque imperceptible, insolant, se dessine sur son visage quand l’aîné des Whiteshore est vaincu par un homme qu’elle ne reconnait pas.

Et puis on annonce son nom (Daryün). Elle le voit s’avancer et son cœur bat plus vite. Ses ongles s’enfoncent dans le bois de son siège tandis qu’il s’élance pour la première fois. Vainqueur, elle se joint aux applaudissements. Perdant lors du second passage, il ne se laisse pas démonter. Jamais. Pas même face à son adversaire coriace. Il fini par remporter sa joute et Lyara sourit, applaudissant avec le reste de la foule. Elle ne remarque pas le regard oblique de Némérys, ni le sourire qui l’anime. Elle ne voit plus que lui, son regard, son sourire. « Va le rejoindre. » Chuchote son amie à ses côtés. « Je te couvre. » Elle la remercie de quelques mots avant de l’embrasser sur la joue et de quitter les tribunes, son fidèle gardien, Ganzorig, sur ses talons.

INTRIGUE O3

les joutes

Un nouveau jour se levait et, après avoir dû justifier dans un large sourire sa présence dans le Tournoi auprès des membres de sa famille, Ysaleen était bel et bien de retour en piste sur sa monture gris souris, le visage toujours dissimulé par son casque tout comme pouvait l’être sa féminité sous son armure. Personne ne devait se douter vraiment de qui il s’agissait, à part les Greywaters qui avaient largement compris la chose depuis la veille en ayant vu ce blason aux couleurs inversées et la sympathie entre elle et Lyënel sur le terrain. Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes car les joutes reprenaient. L’épaule d’Ysaleen avait encaissé les chocs mais déjà, ses muscles lui faisaient sentir une lourde fatigue à venir. Aujourd’hui encore, si elle souhaitait passer à l’étape suivante, il allait lui falloir en finir rapidement. Manque de chance, le tirage au sort l’avait conduite dans une joute contre Waith Zendel. L’élève contre le maître, d’un certain point de vue et s’il pouvait être gagné d’avance que le maître l’emporte, on pouvait parfois avoir la surprise de voir l’élève le surpasser. Mais plus que cela, c’était également un ami qu’elle avait en face d’elle, et un amant. Ca n’allait clairement pas être évident de le mettre à terre sans avoir des remords, d’autant plus que c’était elle qui l’avait poussé à participer à ce tournoi.

Prenant place au bout de la piste, elle observa Waith à l’autre bout. Elle eut un léger sourire tandis qu’elle réfléchissait déjà à toutes les petites phrases qu’elle pourrait lui sortir s’il venait à remporter ce duel. Quoi, n’avait-elle pas le droit de le chambrer un peu ? Un jeune homme lui tendit sa lance dépourvue de tout ruban et d’un noir immaculé. Le hongre piétina quelques instants jusqu’au son de la corne annonçant le départ de la manche. Comme habitué, la monture chargea sans même que sa cavalière ne le lui ordonne et c’est dans la plus grande confiance qu’elle galopa droit sur Waith qui arrivait vers elle. Allongeant légèrement son bras, elle visa avec concentration le bouclier de son adversaire et ce fut avec satisfaction qu’elle le toucha. Mais le choc fut à double effet. Son épaule encaissa durement la secousse provoquée par la lance qui se brise tandis que son corps encaissait celle de Waith qui vient également se briser contre elle. La course se poursuivit sur le reste de la piste, regagnant l’extrémité. Reprenant les rênes, elle hocha la tête, essayant de reprendre ses esprits. Les deux lances s’étaient brisée et ce serait à la lance la plus courte que reviendrais la manche. D’ordinaire, il y avait nécessité de mesurer les morceaux de bois mais, d’un coup d’œil, l’évidence se fit et ce fut rageusement qu’elle rejeta sa lance à terre. Il n’était jamais bon de se laisser envahir par la colère dans ce genre de circonstances, mais là, c’était presque naturellement que la jeune femme vit rouge. Elle partait perdante et il allait falloir changer cela.

La reste de sa joute contre Waith joua davantage en sa faveur. Jouant sur son agilité et sa carrure plus fine, elle esquiva la lance suivante avant de planter la sienne dans le bouclier de son maître d’armes. Enfin, la troisième joute fut aussi serrée que la première mais cette fois-ci, la lance d’Ysaleen s’était brisée à la base, lui offrant la victoire, non pas sans peine. Son épaule était de plus en plus douloureuse, peut-être même déboîtée. Alors, la joute finie, elle s’en retourna vers sa tente où elle avait retiré son casque en gémissant avant d’ôter également le haut de son armure au niveau de l’épaule qui lui était douloureuse. Un écuyer de la maison Greywaters entra alors et, au regard noir que lui adressa la jeune femme, il sut que quelque chose n’allait pas. « Ne discute pas, remet moi ça en place. » S’exécutant, ce fut dans un grognement que l’épaule de la jeune femme se reposa à sa place tandis que le jeune homme lui suggérait de ne pas prendre part à la dernière joute sous peine de se blesser plus encore. Elle l’envoya paître avant de remettre son armure en place. Un dernier chevalier attendait de se faire vaincre par ses bons soins, Daryün Nosgard.

Avant de rentrer sur le terrain, le terrible incident et ce fut en serrant la mâchoire qu’Ysaleen observa le corps du malheureux chevalier être emmené, déglutissant avec difficulté. La mort n’était pas bien vue en ce jour et pourtant, elle ne put s’empêcher de penser qu’elle serait peut-être la prochaine ? Lançant sa monture au bout de la piste, elle eut un petit geste de la tête vers la tribune où sa famille était installée. Puis, flattant l’encolure de sa monture, elle prit la lance donnée par le jeune écuyer qui lui adressa un regard inquiet. Si elle essayait d’oublier la douleur, le poids du long morceau de bois vint réveiller sa souffrance en quelques instants. Serrant les dents, elle attendit le signal avant de s’élancer, talonnant sa monture pour qu’elle galope. Elle savait son adversaire blessé tout comme elle et essaya de nouveau de jouer d’agilité pour éviter la lance adverse qui glissa contre son armure tandis que le choc de sa propre lance se fit sentir, provoquant une vibration dans tout son bras. Le soulagement l’envahit, consciente qu’elle ne partait pas si mal que la précédente joute. Il lui faudrait cependant apprivoiser cette douleur dans son épaule si elle souhaitait remporter le Tournoi et cela, ce n’était guère chose facile.