La démarche lente, Daryün sillonne les rues d’Isandiel, les mains dans les poches et les yeux levés vers la population qui se presse dans les rues, presque silencieuses. Le prince d’Isandiel n’est plus qu’un corps froid dépourvu de vie. Il a pu le voir de ses propres yeux dans le jardin du silence la veille, au côté des Whiteshore venus présenter leur hommage dans la plus complète des hypocrisies.

Domerick n’avait rien dit d’explicite, seulement quelques mots glissés à l’encontre de son vassal alors qu’ils gagnaient Isandiel en bateau. Quelques mots qui avaient suffi à rendre la situation claire dans l’esprit de Daryün : les Aigles étaient responsables de la mort d’Edderion. Comment en aurait-il pu être autrement ? Tué en plein jour, la gorge tranchée, vidé de son sang, les rumeurs vont bon train et le jeune Nosgard n’avait pas eu besoin de les entendre pour penser de la même façon. La raison l’intrigue cependant. L’assassinat du prince avait-il permis de découvrir que les Silvershell appartiennent au peuple de la mer ? Ou Domerick le savait-il avant ? Mais alors comment… Tant de questions et aucune qu’il ne puisse poser directement à son maître. La raison avait cependant justifié qu’on enlève un fils et un frère aux Silvershell, un prince à tout un pays. Il allait donc faire sa propre enquête en tout discrétion.


La période de deuil avait officiellement pris fin la veille, pourtant la ville semblait toujours terne et ses habitants abattus, contrastant avec le soleil lumineux au-dessus d’eux. Daryün traverse froidement la foule morose. Aucune tristesse dans son cœur, seulement de l’inquiétude. Celle de ne pas avoir été prévenu par Domerick et celle, sous-jacente à laquelle il refuse de penser, de savoir Lyara touchée par cette mort. Il lui a promis de la revoir lorsqu’il reviendrait à Isandiel, mais depuis la fin du tournoi, il fuit cette promesse, trop effrayé par ses sentiments. Pourtant, elle le sait ici. Il se mêle parmi les habitants, éloigne ces pensées qui l’agitent et va prendre une chope de bière à l’un des petits stands dressés dans la rue par un tavernier. Plusieurs hommes lèvent leur verre et saluent une dernière fois la mémoire du prince. Daryün suit par habitude, attendant l’occasion de poser des questions sur ces rumeurs qui circulent. Il allait devoir être discret pour ne pas éveiller les soupçons.