" Ask most people what they want out of life and the answer is simple - to be happy. Maybe it's this expectation though of wanting to be happy that just keeps us from ever getting there. Maybe the more we try to will ourselves to state's of bliss, the more confused we get - to the point where we don't recognize ourselves. Instead we just keep smiling - trying to be the happy people we wish we were. Until it eventually hits us, it's been there all along. Not in our dreams or our hopes but in the known, the comfortable, the familiar. "

L’étiquette, les codes, les mœurs, le protocole. Des mots que la jeune Nemerys ne porte pas réellement dans son cœur. La main plaquée contre sa propre bouche, empêchant les éclats de rire de briser le silence ambiant, elle écoute Lyanna, sa préceptrice, pester et taper du pied. L’écorce du vieil arbre ébranle son dos sans qu’elle ne pipe mot, murée dans son mutisme. « Nemerys, c’est l’heure de votre leçon d’histoire. » à moins que ce ne soit tout simplement l’heure de jouer à cache-cache, de faire tourner – encore une fois – en bourrique sa tutrice. Il s’agit probablement de son passe-temps favori. Ce n’est pas drôle de se plier aux règles, à quoi bon ? Elle ne réalise pas vraiment son statut de privilégiée, elle rêve de liberté. Elle n’y a pas vraiment droit malheureusement. « Nemerys, votre père sera mis au courant de votre insolence ! » La voix claque dans l’air et la princesse roule des yeux. Son père, aussi sévère peut-il sembler par moment, est tout bonnement incapable de la punir. Elle est pourtant persuadée que l’intention y est, à l’exception près qu’il fond sans cesse face aux grands yeux bleu océan de sa fille aînée. Elle en a conscience et elle en joue, forcément. Elle tire les ficelles sans aucune honte. « Je n’aime pas l’histoire. Je ne vois pas du tout à quoi bon m’obstiner à retenir des noms de parfaits inconnus et des dates par cœur. » Elle s’extirpe de sa cachette, avant de se planter face à Lyanna tout en haussant les épaules, l’air désinvolte. La dame d’un âge certain soupire et s’agenouille face à elle. « Cela fera de vous une princesse instruite, avec une tête bien pleine et non un simple trophée. » Nemerys fronce les sourcils, peu encline à écouter. Elle ne comprend pas vraiment en réalité, cependant elle empoigne la main de Lyanna sans autre protestation. L’heure n’est plus au jeu.
Souvent, Nemerys se remémore cette scène. Lyanna avait raison, elle le sait maintenant. Elle n’est pas qu’une jolie poupée superficielle au cerveau dénué de neurones fonctionnels. Elle n’aurait pas souhaité l’être. Finalement, elle s’est pliée aux règles, à l’étiquette, parce que c’était nécessaire. Elle est parfaite dans son rôle de princesse. Personne ne s’attend jamais à ce qu’elle commette une infraction, un pas de travers, à ce qu’elle ouvre la bouche et pourtant, elle ne manque aucunement l’occasion de rabattre le clapet - avec grâce bien sûr - de son entourage ou encore de parfaits inconnus, qu’ils soient éminents ou non. C’est ce qui la rend unique. Elle a toujours été dotée d’une force de caractère sans égal. Elle se bat pour ses idéaux. Elle abat son jeu au moment venu. Nemerys n’est pas qu’une princesse de pacotille.

L’amour est aveugle, il déforme la réalité. Ce n’est qu’un sentiment destructeur, une sensation éphémère. Qu’elle était stupide ! Elle s’est laissée berner par cette éblouissante émotion. Aethan Ironsword représentait son idéal. Il semblait posséder tout ce dont elle pouvait rêver chez un homme. Ce n’était qu’une illusion, une belle illusion. Une fois le serment prêté, une fois l’alliance passée au doigt, une fois Isandiel quittée, le rêve s’est envolé. Elle a découvert un homme fidèle aux échos dépeignant la lignée des Ironsword. Des êtres rustres, sans aucun tact, grossiers de surcroît. Désenchantement soudain. Clairement, il n’est pas l’homme qu’elle a épousé. Cette union n’est qu’un océan de faux-semblants et de mensonges. Mais, il est trop tard pour rebrousser chemin. Alors, elle a fermé son clapet, parce qu’elle y était obligée, profitant de chaque prétexte pour s’éloigner de son mari, prendre ses distances, se contentant d’écarter les cuisses lorsque l’envie charnelle le gagnait, feignant le bonheur aux yeux du reste du monde. Elle aurait pu continuer longtemps de la sorte, jusqu’à ce que le point de non-retour soit franchi. Jusqu’à ce qu’il se transforme en homme avide d’elle, de son sang. Nemerys entend encore la voix douce et bienveillante de sa mère lui dictant de cacher leur secret, leur nature. Elle comprend mieux maintenant. Aethan a perdu la raison. Séquestrée dans sa propre chambre, torturée physiquement et psychologiquement à maintes reprises, saignée jusqu’à l’inconscience. Le cauchemar ne faisait cependant que débuter.
Des bruits de pas l’extirpent de sa torpeur. Rapidement, elle délaisse son lit, regagnant l’autre côté de l’immense pièce, le dos collé contre le mur, le regard vissé à l’imposante porte en bois. Il est là. La poignée tourne sur elle-même à plusieurs reprises avant qu’il ne franchisse le seuil de la chambre. Presque instantanément, il plonge ses prunelles avides dans les siennes. Elle relève le menton, soutient son regard. Elle a peur de lui, c’est indéniable, comment pourrait-il en être autrement ? Mais, il est hors de question qu’elle le laisse abuser d’elle, l’utiliser, sans rechigner. « Tu ne peux pas. Je n’ai pas assez récupéré, Aethan. » Il hausse les épaules, s’avançant d’un pas, un sourire carnassier déformant ses si beaux traits. Il est inhumain, un monstre, une bête. « Tu es devenu beaucoup trop gourmand, tu vas me tuer et tu n’auras plus rien. » Il sera seul, privé d’elle, privé de son addiction. Ce n’est pas ce qu’il souhaite, elle le sait. Dans un certain sens, elle a toujours de l’ascendant sur lui. « Tu as raison. » Elle retient un soupir de soulagement. Dans le fond, elle sait que c’est trop facile, elle sait ce qui l’attend, s’il ne vient pas pour se délecter du sang qui coule dans ses veines, alors il trouve une autre manière de lui imposer sa supériorité, sa volonté. « Nous allons donc passer le temps d’une autre façon. Je suis ici pour toi après tout. » Tandis que les mots franchissent la barrière de ses lèvres, il défait sa ceinture avant d’entreprendre d’ôter le reste de ses vêtements. Il la dégoûte. Les poings serrés, jusqu’à ce que ses ongles égratignent ses paumes, elle l’observe se délester de son attirail. « Tu me répugnes. » La voix est tranchante et à la fois brisée, elle ferme les yeux, priant les Dieux afin que son cauchemar cesse.

La foi est définie comme étant l’engagement total de l’homme à un idéal qui le dépasse. C’est ce dont sa mère fait preuve chaque jour sans jamais faillir, ce qu’elle enseigne également à ses enfants depuis leur plus tendre enfance. La foi envers l’Homme, envers l’humanité, envers un avenir meilleur, envers un futur ou peuple de l’eau et de la terre cohabitent en paix. Nemerys n’a plus foi, si ce n’est en elle, en ses proches. Les idéaux de sa génitrice ne sont qu’un écran de fumée. Des mots et rien que des mots. Il parait que la foi n’a pas besoin de preuves, à moins que ce ne soit qu’une simple excuse afin de pouvoir continuer à se voiler la face. Mais, maintenant, c’est terminé. Hors de question qu’elle se laisse de nouveau amadouer, qu’elle se laisse bercer par un océan d’illusions. Plus jamais elle ne fera partie des dommages collatéraux, des victimes, jamais. Edderion est mort, coup de massue, poignard en plein cœur. Où est la foi ? Où est la justice ? On l’a littéralement privée d’une partie d’elle-même et pourtant, aucun acte divin ne l’a vengée. Alors, qu’est-ce qu’elle est supposée faire ? Attendre indéfiniment que justice soit rendue ou prendre la décision de se salir les mains elle-même ? Le choix est facile. Elle a trop attendu, trop patienté, à moitié morte au fond de ses propres appartements, pour laisser une force quelconque et invisible régner en maître sur son existence. Désillusion ? Certainement. Et, ça ne s’arrête pas là, peut-être faudrait-il la mentionner, la guerre sur le point d’éclater. La révélation de la véritable nature des Silvershell. La vérité n’est rien d’autre que le détonateur d’une guerre sanglante et imminente. Fous sont ceux qui gardent encore la foi !

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