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| Sujet: salt on the wounds. Mer 9 Nov - 2:14 | |
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Ses foulées sont rigides, mécaniques, son talon martèle avec hargne la pierre. Il ne sait guère ce qu'il fait là, seul, dans cette pénombre naissante. Ou plutôt, il sait exactement pour quoi il est là et regrette d'ores et déjà son choix. Sa dextre effleure une large colonne et il soupire profondément. Ici, l'on n'entend pas le brouhaha des festivités, les vivats du petit peuple. Barthogan a fui les réjouissances, étouffant, la présence de la famille royale ravivant d'antiques blessures. Il a fui, murmurant de bancales excuses, excédé de devoir faire bonne figure, vanné d'échanger des courtoisies fades, a pris le large et ses pas l'ont mené ici, d'instinct. Son regard blême musarde le long des arborescences et de la myriade de fleurs peuplant cette cour ouverte, baignant paresseusement dans la lueur laiteuse de la lune et des astres. Il comprend pourquoi elle raffolait de cet endroit, jadis. Le lieu est emprunt d'une immobilité quiète et sitôt que l'on pose les yeux sur ce canevas idyllique, qui confesse la prospérité et l'élégance des Silvershell, les tourments semblent se lénifier. Pour le commun des mortels, sans l'ombre d'un doute mais pas pour le Stormwind. À chaque frémissement des feuilles, sous chaque repli d'ombre, il croit deviner sa présence. Chimères, jeux cruels de son esprit névrosé.
Ses paupières se closent sur ses yeux injectés de sang et ravinés par des cernes, ses poings se contractent le long de son corps, ses mâchoires se serrent. Il est éreinté de la marche, las de tout. Pourquoi diable son cœur félon l'a-t-il mené en ce damné lieu ? La nostalgie et l'amertume s'entremêlent et se larvent contre ses tripes, lui laissant un goût aigre, un goût de défaite dans la gueule. Six années, six fichues années. Elle devrait être une vague et terne réminiscence, et non pas apte à gouverner ses songes et actions. Avec humeur, Barthogan pivote sur ses talons, décidé à regagner au plus vite ses appartements. Toutefois, il perçoit un bruit infime, le froufrou de robes satinées et gèle sur place. Il grigne ; il n'a encore ni entrevu de silhouette, ni ouï de voix mais il sait pourtant pertinemment qui louvoie dans le clair-obscur. Il aurait dû le savoir, qu'ils seraient tous les deux sous la férule de leur curiosité, qu'ils voudraient tous deux mettre des mots sur les non-dits. L'héritier se laisse choir, un genou en terre et le poing fermé sur la dalle. « Votre Altesse. » articule-t-il, de la glace dans la voix. Il est plus aisé, plus commode de se dissimuler derrière un mur de courtoisie froide, d'obséquiosités vaines, que d'affronter la belle, de soutenir son regard. En lui, un maelstrom de sentiments contraires et opposés, une sourde colère qui lui grignote les viscères, de la déception, un ténu écho d'affection et de prévenance. « Je n'ai pas eu l'occasion de vous saluer comme il sied durant le banquet. » ajoute-t-il en se relevant. Il lisse son riche pourpoint émeraude, frappé des armoiries de sa maison, qu'il arbore avec fierté. Le seigneur raidit l'échine, gonfle le torse et fait face. Mû par une mesquinerie inhabituelle, il veut paraître digne, vigoureux, auréolé de prestance. « Cela fait bien longtemps. » mentionne-t-il inutilement, vrillant pour la première fois son regard dans ces éclats de glace qu'il a autrefois tant aimé. Elle n'a guère changé, durant le dernier lustre, toujours aussi altière, toujours aussi saisissante. Le pourtour de ses lèvre se crispe, signe de l'ire qui balbutie. Elle aurait dû l'attendre. Elle aurait dû se battre, ne pas l'abandonner, comme lui l'a fait. « J'ai appris le trépas de votre époux. Toutes mes condoléances. » fait-il, régi par un éclair de cruauté puérile, comme s'il doit maintenant tout le mal qu'elle lui a fait par le passé, payer le tribut de tout ce qu'ils auraient pu avoir et dont elle les a privés. La mort de celui qui l'a usurpé, la mort de celui qui lui a tout dérobé, la mort qui lui a procuré une joie sauvage. Tout est toujours intact ; la colère, l'incompréhension, les souvenirs doux-mers, qui resurgissent des fonds de son être en un battement de cœur.
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| Sujet: Re: salt on the wounds. Dim 13 Nov - 18:20 | |
| salt on the wounds barthogan & némérys ✧ ✧ ✧ Elle se meut avec agilité dans les méandres des couloirs de la citadelle, plongés dans les ténèbres étouffants de la nuit. Les voiles de sa robe émeraude flottent derrière elle, tandis qu'elle semble fuir un ennemi invisible, inexistant. Les rires et cris festifs des invités du banquet résonnent encore dans son esprit tourmenté et ont eu raison d'elle. Elle suffoque, elle a perdu l'habitude ces échanges courtois et pourtant si facétieux. Alors elle a fuit, préférant s'effacer dans la pénombre et la quiétude que pouvait encore lui offrir les jardins du silence. Ces longues années d'isolement et de solitude forcée sont bien réelles et c'est dans le mutisme et la prière, que la belle Silvershell a trouvé un refuge, familier et réconfortant . Ses pas feutrés ralentissent, à mesure qu'elle se rapproche du cercle sacré, situé en plein cœur de cette cour fleurie. Son regard se tourne vers la lune, cette même lune visible depuis les lointaines montagnes de Thades, dont la douce lumière baigne les lieux d'une lueur divine. Elle se met à genoux et commence à prier, silencieusement, remerciant une fois de plus Olinwë pour lui avoir permis d'apaiser certains de ses maux. Enfin.
Elle finit par rouvrir les yeux et se redresse, inspirant une grande bouffée d'air pur, cet air iodé, provenant de l'océan qui lui avait tant manqué. Elle sent alors une présence familière, non loin d'elle. Elle n'a aucun doute sur son identité et redoute cet instant. Un lointain souvenir, empreint de regrets et d'amertume, qui ne l'a jamais quitté. Elle s'avance alors doucement vers lui, le cœur lourd, sachant pertinemment qu'il risquerait de s'arrêter dès que son regard se poserait sur elle. Mais il n'en est rien. Il se baisse devant elle et échange quelques courtoisies avec une froideur telle qu'elle a rarement vu chez lui. Des frissons parcourent son échine, quand elle prend pleinement conscience qu'elle ne connait plus l'homme qui se tient en face d'elle, celui envers qui la plupart de ses prières s'étaient tournés. Elle aperçoit son visage, fatigué, parsemé de quelque cicatrices qu'elle n'avait jamais vu auparavant et son expression... ses traits tirés, un rictus accroché à ses lèvres. Son sang se glace et la douleur refait à nouveau surface. « Cela fait bien longtemps. » Elle tente d'étirer ses lèvres un sourire bienveillant, mais ce dernier se fâne aussitôt. « J'ai appris le trépas de votre époux. Toutes mes condoléances. » Son époux, son tortionnaire, son bourreau. Il ne connait pas la vérité mais ne semble pas plus désolé pour sa perte qu'elle ne l'est en réalité. A vrai dire, elle ne peut lui en vouloir. Il aurait dû être son futur, celui avec qui elle aurait passé ses jours restants, construit un avenir, eu une famille... elle sent son ventre se tordre à cette pensée. « Votre attention me touche, Barthogan. Je vous en remercie. » Elle souhaitait en rester là, ne pas continuer à prétexter être en deuil et surtout ne pas en parler avec lui. Cela était malvenue, elle le savait. « C'est un plaisir que de vous rencontrer à nouveau en ces lieux, comme lorsque nous n'étions que des enfants. » Elle espérait raviver en lui la flamme d'autrefois. Elle ne cessait de se remémorer ces souvenirs depuis son retour dans la capitale.
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| Sujet: Re: salt on the wounds. Lun 14 Nov - 0:06 | |
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Dans ce jardin sacré, si quiet et si lénifiant, les anciens amants se font face, se jaugent et se sondent, s'évertuant à retrouver chez l'autre les traces, les rémanents de la personne jadis si chère. Sous le regard bienveillant des dieux, ils s'apprêtent à réécrire leur destinée, à trancher ou à revigorer les liens ténus qui les rassemblent encore. Le souffle profond, Barthogan renverse le chef, contemple la voûte céleste et implore silencieusement les démiurges de ce monde de lui accorder la force d'encaisser l'affliction qui le guette. Il se détourne quelque peu d'elle, coule de longues foulées afin de s'aventurer plus avant dans le lieu de culte, au cœur des élégantes arborescences et plantes. Il se laisse choir sans guère de cérémonie sur un banc, croise les bras sur son torse et attache derechef son regard sur la belle. Tout autour d'eux, la nuit est silencieuse, comme si elle retenait son souffle, de peur de troubler les songes et les appréhensions des nobles gens. La princesse n'a pas changé d'un iota. Son port est toujours aussi emprunt de grâce, son faciès, si savamment ciselé, a conversé toute sa beauté. Dans ses fins atours, elle paraît séraphique, éthérée. Lui, le soudard, l'homme martial, qui commande d'une main de fer des armées et s'épanouit dans le fracas des armes, totalement incapable de se faire obéir de son palpitant renégat. La lippe du seigneur s'ourle avec amertume. Cette femme l'a abandonnée, est veuve, il ne devrait pas la boire ainsi d'un regard aussi famélique.
« Votre attention me touche, Barthogan. Je vous en remercie. » fait-elle de sa voix légère, de cette courtoisie distante qu'usent les grandes dames. Sa sentence, pourtant, semble vierge d'émotions, sans éclat ni émoi. Le Stormwind, aussi, ne peut s'empêcher de remarquer que le sujet se meurt aussitôt. Est-ce donc ainsi qu'elle dissimule sa mélancolie ? « Je partage votre peine, princesse. » Nullement. Il ira cracher sur la tombe de l'usurpateur, ira dégueuler une myriade d'imprécations odieuses. Qu'il pourrisse six pieds sous terre, que son nom devienne poussière. Dans l'âtre de ses tripes, les flammes de la haine grondent, hautes et haineuses. « C'est un plaisir de vous rencontrer à nouveau en ces lieux, comme lorsque nous n'étions que des enfants. » Une expression peinée froisse le visage du lord, un éclair de douleur le foudroie. Que cherche-t-elle à accomplir, avec de tels propos, en ravivant des blessures aussi cuisantes. La simple vue de la capitale, inexpugnable et hautaine, a suffi à le transporter bien des années auparavant. Une doucereuse nostalgie l'a alors étreint, anesthésiant quelques minutes la rancune. Il s'était alors perdu en songes et en conjectures, en constructions de l'esprit venimeuses, des images aussi lancinantes qu'enivrantes. De longues secondes, il demeure silencieux. « Oui. » fait-il lentement. Il est si aisé de s'égarer dans les méandres du passé, un lieu si enchanteur. « Oui. Nous étions heureux, alors. » Il peut encore les revoir, enfants, fusant entre les plantations du jardin qui résonnait de leurs rires cristallins. L'ardeur de leurs jeux innocents, l'ingénuité de leurs promesses farfelues. Ils se pensaient éternels, ils se pensaient inséparables. La providence leur a démontré la candeur de ces convictions. Barthogan la guigne, scrute sa réaction. Après l'amitié juvénile vint les balbutiements de l'amour. Le cœur affolé et exalté, l'intensité de ces sentiments sots, les découvertes tremblantes et maladroites, l'union fiévreuse consommée avant l'heure. La félicité des fiançailles. Ah, comme il avait aimé cette femme. Le seul souvenir d'elle a conservé sa raison, durant l'enfer qu'il a vécu. Dans le ventre de la bête, il faisait toujours nuit. Némérys fut sa seule lumière. Oui, de tout cela , il se rappelle. « Nous avons été heureux les années qui suivirent, aussi. » lui rappelle-t-il d'une voix gardée. Et puis, nous ne l'avons plus été.
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| Sujet: Re: salt on the wounds. Lun 12 Déc - 16:12 | |
| salt on the wounds barthogan & némérys ✧ ✧ ✧ Elle sentait son regard froid, ses prunelles sombres affublées de reproches qu'il semblait tant vouloir dissimuler. Elle n'était pas idiote et avait appris à reconnaître les idées noires qui s'emparaient sans peine de l'esprit des vivants. Mais il détourna son regard et s'éloigna à grandes foulées, si bien qu'elle hésita quelques secondes à le suivre. La scène semblait irréelle, presque chimérique. Elle sentait chaque battement de son cœur s'accentuer à mesure qu'elle s'approchait de lui. Pour elle, rien n'avait et ne devait changer entre eux. Et ce n'était ni ces lames aiguisées qui avaient tant de fois lacéré sa chair, ni les chuchotement sournois glissés chaque nuit durant des années qui n'avaient entaché l'amour qu'elle lui portait. Bien au contraire. Elle fini par se glisser à ses côtés, silencieuse, admirant en toute discrétion son attitude toujours aussi naturelle. Il n'avait pas perdu de ses manières, parfois rustres, son caractère belliqueux digne des Stormwind. Et pourtant...
« Je partage votre peine, princesse. » Quelque chose s'était brisé, perdu, elle ne pouvait mettre le doigt dessus, ni même sur la raison. Leur dernière entrevue semblait à des milliards d'années de cet instant, des temps aujourd'hui révolus. Elle se souvenait encore de ces derniers mots, emplis de tendresses et de promesses, avant qu'il ne parte en mer accomplir son devoir. Et puis il y a eu cette longue période d'attente, l’espérance de le voir revenir un jour, fouler à nouveau la terre qui leur était destinée. Mais l'espoir vit un temps et fini par se faner, le pouvoir reprenant toujours le dessus, au dépend de ses propres envies. Elle avait fini par partir pour des terres lointaines, vers un avenir incertain. Aujourd'hui, elle détestait cette sensation de ne pas avoir été mise au courant de tout, cette sensation d'être une étrangère chez elle et parmi les siens. Elle ne se sentait à sa place nul part. « Oui. Nous étions heureux, alors. » Un léger sourire fendit ses lèvres, tandis qu'elle s'attardait à tenter d'attraper son regard. Il semblait fuir la réalité durant quelques instants, perdu dans une mêlée de pensées qui lui étaient propres. « Nous avons été heureux les années qui suivirent, aussi. » Son cœur rata un battement, elle ne s'attendait pas à ce qu'il remette aussi vite ces souvenirs sur le tapis. Elle avait pourtant imaginé des centaines de fois cette discussion et avait attendu ce moment avec impatience. A présent, elle ne savait pourtant pas comment s'y prendre, à vrai dire, elle n'avait plus l'habitude de tels échanges. En un soupir, elle s'approcha légèrement de lui et posa une main hésitante sur son épaule, lui priant silencieusement de comprendre ses paroles. « Ces temps, aussi lointains soient-ils, me manquent Barthogan. » Elle fit une pause, essayant tant bien que mal de ne pas fléchir face aux flots d'émotions qui ne cessaient de la submerger. « Votr... ta disparition... je n'ai eu de cesse de prier pour ton retour, te revoir en vie. » Aujourd'hui encore. « Grâce aux dieux, mes prières n'ont pas été vaines... » Finit-elle par murmurer, détournant le regard et reposant alors lentement sa main sur sa cuisse encore douloureuse. Oui, tous ces malheurs étaient enfin derrière elle.
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| Sujet: Re: salt on the wounds. | |
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